mercredi 23 juin 2010

Intervention pour l’ouverture de la conférence régionale du spectacle vivant en Alsace le 22 juin 2010

Intervention de Bruno de Beaufort :

Voici ce que je voudrais dire, en concertation étroite avec nos amis du Synavi et du Syndeac qui s’exprimeront après moi, au nom de la fédération nationale des arts de la rue, (400 membres, artistes, techniciens, compagnies lieux, festivals, collectivités, mêlés, pour ceux qui ne connaitraient pas encore cette entité) et plus particulièrement de la Fédération Alsace-Lorraine des arts de la rue, (la Falar = parler en portugais, se parler, ce pourquoi nous sommes là) qui vise un jour à devenir une Fédération du Grand Est, voire une fédération très reliée à nos voisins suisses et allemands, et c’est aussi dans cet état d’esprit que nous abordons cette conférence.

Voici ce que nous voulons exprimer et réaffirmer au nom de ces artistes et compagnies de toutes tailles, des structures culturelles de proximité, lieux de fabrique, espaces de travail différents, friches en devenir, (1000 compagnies, 200 festivals, 100 lieux de fabrique - pas encore assez en Alsace) qui contribuent à la création, la production, la diffusion et œuvrent à la présence quotidienne des artistes au plus près des territoires :

face aux différentes RGPP, qui ne véhiculent à notre sens qu'une vision du rendement à court terme,
face à un Conseil de la création artistique qui marque l'affaiblissement du sens que devrait avoir un Ministère de la Culture,
face à la réforme annoncée des collectivités territoriales, qui pourrait signifier un effondrement des financements de la culture,
et après l’expérience pour l’instant avortée des précédents Entretiens de Valois,
vous imaginez que nous abordons cette conférence proposée par l'État avec inquiétude et scepticisme.

Nous appelons de nos vœux une politique culturelle qui soit au cœur de l'action publique, non pas une cerise sur le gâteau, ou un supplément d'âme, mais l'âme elle-même d'un projet commun, pas seulement une compétence générale partagée mais bien une compétence incontournable.
Nous sommes convaincus qu’il faut savoir élargir, transformer, ce que nous connaissons depuis 50 ans.
Bien sûr, cela ne veut surtout pas dire rayer d’un trait de plume les réseaux existants, labels nationaux ou régionaux qui ont su répondre à la mission assignée, et j’ai bien conscience que nous-mêmes, arts de la rue, nous nous appuyons sur ce nouveau réseau des Centres Nationaux des arts de la rue, «label» qui doit être conforté, développé, décliné par régions ?
Rien en Alsace, là-dessus, pour l’instant, d’ailleurs.
Mais une seule défense de nos prés carrés et de chapelles immuables, sera néfaste et contre-productive.
Il nous faut, au contraire, nous tous, acteurs du spectacle "vivant", œuvrer à revivifier ce secteur à hauteur des défis d'aujourd'hui, imaginer une autre RGPP ? une Révolution Générale des Politiques envers, par, chez et avec les Publics ou Populations,

Comment ?

Par exemple et notamment :

- par une prise en compte élargie de ces publics, des 80% d’ "habitants" qui ne vont pas au spectacle - et qui ne vont plus au foot – en tant que partenaire actif (et pas seulement en termes de "remplissage de salle"),
- par des croisements artistiques amplifiés, conscients que nous sommes de notre destin commun avec, par exemple, les arts plastiques ou l'architecture...
- par des liens à tisser et retisser, toujours, encore, et à nouveau, avec bien des domaines du service public, l'Éducation, Jeunesse et Sports, la Santé, la recherche, l'Urbanisme, l'agriculture, et d'autres
- en accueillant les amateurs, les animateurs du secteur socio-culturel,
- en investissant les espaces publics,
- en développant les moments de partage et de gratuité
- en imaginant et développant des résidences-associations de longue durée entre artistes et lieux culturels, socio-culturels, éducatifs, en lien étroit avec la vie des quartiers ou des villages.

Et encore :

- par une redéfinition concertée des missions, des cahiers des charges, les nôtres, sûrement, mais aussi ceux de tous les réseaux existants.
- par une mutualisation active des moyens, sûrement les nôtres, mais aussi ceux des différents services de l'État et des collectivités territoriales.

Quand on parle arts et culture, il faudra parler argent et argent public, principalement, même si on va voir arriver peut-être une manne de mécènes en recherche d’un autre sens à donner à leur participation, (je fais évidemment référence à une actualité très récente).
Mais ne nous leurrons pas, ce n’est pas d’un caprice de star que nous parlons, c’est bien d’un service public de la culture, au plus près des gens, mais exigeant,non pas à voir comme un coût, ou une source d'économie, mais comme un indispensable investissement bien compris, à long terme...
Et pour cela, il nous faut aussi partir sur la base de chiffres précis et détaillés des financements publics de la culture, passés et actuels, de l’Etat comme des collectivités, afin de pouvoir parler ensemble des mêmes choses.
Et il nous faudra inventer ensemble et sans avoir peur de l'autre, les petits des gros, les jeunes des anciens, inventer ces nouveaux rapports entre l'art, la culture et la société, des communautés de communes aux régions et à l'Europe.
C'est urgent, c'est vital, et nous ne saurons apporter notre part à des débats qui ne prendraient pas en compte cette nécessaire évolution.
Alors si cette conférence qui s'ouvre, au delà d'être un lieu de rencontre, d'échange, voire d'étude et de recherche, peut être un espace qui débouche sur des inventions communes, des dispositifs concrets et co-construits, avec de vrais moyens en regard, ce sera une belle étape.
Sinon, nous ne pourrons que dénoncer un subterfuge de plus qui n’aurait servi qu'à tenter encore de faire "passer la pilule".

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